::: Kiss my ass goodbye :::
En s'engouffrant dans le hall d'entrée du RockStore, le froid glacial de l'hiver, dehors, cède sa place à l'étouffante torpeur des lieux. Satine et Mielle déposent leurs manteaux au vestiaire, profitant d'une présence humaine, une fois n'est pas coutume, derrière le stand de l'entrée.
Le sol est bombé sous leurs pieds par endroits, creux l'instant d'après, c'est un peu comme marcher sur des montagnes russes miniaturisées. Les corps se croisent et se bousculent gentiment, les verres en plastique se vident et se remplissent, leur contenu vole parfois dans les airs au rythme d'un coup de coude maladroit, et les deux grands bars de chaque côté de la grande salle ne désemplissent pas le moins du Monde.
Satine affiche son plus grand sourire, comme à chaque fois qu'elle entre ici avec Mielle. Rien ne lui permet mieux de s'extérioriser que cet endroit où pétille la bière, hurle la musique et dansent étudiants, rockers éperdus et autres *anarcho-petits-cons*.
Etre dans son élément. Se sentir comme parmi les siens, même si la plupart ici lui sont inconnus.
Ce soir l'entrée est gratuite, deux groupes du coin vont jouer pour un tremplin régional. Les esprits sont déjà bien échauffés et une pelotte humaine s'est déjà formée devant la scène, des têtes s'élancant parfois dans les airs, puis un pied, une main, un majeur levé bien haut, un corps tout entier slammant au-dessus de tous, au-delà du reste du Monde. Satine ne tiendra probablement pas longtemps avant de plonger dans cette foule à son tour. Sa grande thérapie, un bon poggo qui libère de toutes les chaînes.
Mielle l'entraîne pour l'instant vers un des bars pour prendre une bière. La barmaid est débordée, comme bien souvent, elle se tourne d'un côté à l'autre du bar, la jolie mousse blanche des bières fait rage au-dessus des verres et contre les lèvres de tous ces écluseurs en puissance.
Mielle et Satine font partie de ces rares écluseuses. Ces filles que rien n'arrête, ni l'alcool, ni la sueur, ni l'agglutinement d'hommes furibonds dans une salle où se joue rock'n'roll, punk ou métal bien gras. Mielle a fait découvrir le RockStore à Satine. Et c'est devenu son échappatoire dans sa ville d'adoption.
Ce soir Mielle porte un de ces débardeurs qui font d'elle ce qu'elle est, découvrant ses bras colorés des plus féminins des tatouages Old School, un jean et des baskets de skate. Satine a enfilé un petit haut noir à lacets, un jean et des Doc Marteens. Une petite pince maintient sa frange au-dessus de son front, mettant en valeur ses petites lunettes violines.
Elles sont maîtresses du Monde ce soir, leur verre à la main et le sourire aux lèvres, le premier groupe commence à mettre de l'ambiance, parait-il que le second se débrouille encore mieux, dans un style rock fusion à la Rage Against The Machine. Bientôt Satine pourra laisser son instinct la guider jusque dans la fosse, elle sent déjà ses membres se nouer et plus grand-chose ne la retient, si ce n'est peut-être l'idée que ses lunettes pourraient voler bien haut et ne jamais lui revenir.
Quelle plaie les lunettes dans ce genre d'endroit. Mais jusque-là il y a toujours eu une âme charitable derrière elle pour les lui ramasser et les lui tendre en souriant. Un miracle qu'elles n'aient jamais été piétinées.
C'est ce qu'aime Satine ici, les gens sont bien énervés, bien alcoolisés, mais personne n'est foncièrement con, encore moins méchant. Tout au plus elle rentrera chez elle avec quelques bleus bien involontaires. Les gens ici sont là pour s'amuser, boire et pogotter, écouter du bon rock'n'roll. Et un endroit comme ça, pour Satine, ça n'a pas de prix.
© Mélusine Yum
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