Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
¤ Mademoiselle Yum ¤
19 novembre 2006

::: Borderline :::

J'ai le ventre noué, la gorge serrée, la vomissure au coin des lèvres. Chaque dimanche soir c'est la même comédie. Chaque dimanche soir c'est la même tristesse, chaque dimanche soir c'est la même perdition.

Je n'en peux plus, chaque jour, chaque heure passée là-bas est un supplice, même si l'ambiance n'est pas mauvaise, même si les collègues ne sont pas méchantes, même si les horaires ne sont pas pénibles, même si... J'ai l'impression de jouer un rôle qui n'est pas le mien, de ne pas vivre ma Vie, de feindre une existence qui ne m'est d'aucun secours, d'aucune utilité, qui ne m'apporte rien, qui ne fait au contraire que me vider encore et encore, éparpiller en petites miettes ce qu'il peut y avoir de bon et de beau en moi...

Savoir qu'on pourrait m'envier ma place ne m'apaise en rien. On a tous nos problèmes, nos soucis, nos déplaisances. On est tous jaloux d'un(e) autre, on croit tous que l'herbe est plus verte dans le pré d'à côté. Parfois on a tort, d'autres fois on a un peu raison.

Dans ma scolarité j'ai toujours été attirée par ce qui pour ma mère n'était pas digne de devenir un "métier". J'ai toujours été douée dans des univers qui auraient nécessité d'assez longues études dites incertaines, sûrement coûteuses, il aurait fallu payer des inscriptions onéreuses, me prendre une chambre dans une autre ville, me payer le train pour rentrer le week-end... Ma mère avait certainement les moyens, mais probablement pas l'envie plus que ça, puisque ce n'était pas intéressant de son point de vue, ce n'était pas intéressant pour moi, voilà tout. Elle a toujours pensé, et m'a bien fait sentir, à chaque fois que j'ai eu envie de quelque chose, que je faisais un caprice, que je n'étais pas en mesure de faire des choix intelligents, que j'étais forcément dans l'erreur. J'ai ressenti chez elle comme un soulagement quand je suis partie à l'âge de 17 ans. Quand quelqu'un d'autre a pris la responsabilité de vivre à mes côtés. Quand quelqu'un d'autre a dirigé ma Vie, décidé plus ou moins de mon avenir, de la Vie que je devais mener, des gens que je devrais fréquenter, des habitudes que je devais prendre...

Maintenant que je suis seule à décider des tournants de ma Vie, je ne peux plus rattrapper tout le temps perdu. Je ne peux plus me lancer dans des études pour faire un métier qui me plaise, proche de mon univers, proche de mon âme. Je n'en ai pas les moyens. Financièrement c'est inaccessible. J'en ai déjà parlé 1000 fois. Le temps je voudrais bien le prendre, l'énergie je voudrais bien la dépenser, mais l'argent, je ne peux pas l'inventer, le fabriquer, il ne vient pas tout seul.

Alors sûrement quand Mon Autre aura terminé sa formation et qu'il travaillera dans ce secteur qui est le sien, sûrement oui ce sera plus facile. Mais tout ça c'est dans trois longues années. Ca me paraît le bout du Monde. Je sais pertinemment que je ne supporterai pas mon travail actuel pendant encore trois ans, même si là-bas on veut me garder, me renouveller mon contrat encore une autre année, puis une autre, j'ai le sentiment que si je reste encore je vais m'auto-asphyxier.

Certes la Vie "modèle" dont je rêve n'existe pas. Je voudrais vivre d'Amour et d'Eau fraîche comme on dit, de passion et de temps libre, de mes amis autour de moi et de beuveries nocturnes, les réveils ensemble et les petits déjeuners au soleil en plus. Je voudrais la mer à perte de vue et les chevaux au loin dans le sable. Je voudrais la musique et les concerts à foison. Je voudrais apprendre beaucoup de choses même si elles ne me servent à rien de particulier. Je voudrais le bout du Monde tout près, je voudrais tant de choses qui ne se passent que dans les Mondes que l'on rêve et qu'on imagine le soir au fond de son lit, comme une petite fille transie.

Mais avoir un travail que j'aime, ça ne devrait pas être un impossible. Ca ne devrait pas être si éloigné de moi. Je ne devrais pas être privée de ça, sous prétexte que je suis heureuse en Amour ou que sais-je encore.

Je n'en peux plus d'y retourner encore et encore comme un robot déglingué. Je n'en peux plus de faire semblant. Semblant d'être inspirée par ce qui se raconte dans ces bureaux, semblant d'être motivée par les tâches qui m'incombent, semblant d'y trouver un intérêt, semblant de faire comme si mon travail avait une place importante dans ma Vie.

Non. Parce que ce travail ne me ressemble pas. Je ne me reconnais pas dans ce que je fais. Ca déforme ma réalité, que j'ai mis si longtemps à construire, mon Moi profond que j'ai eu tant de mal à cerner, accepter, aimer. Ca fout tout en l'air. Ca m'écrase à petit feu. S2010012

Bien sûr il y a d'autres choses, d'autres moments. Heureusement. Bien sûr il y a les balades dans Montpellier avec Mon Autre, bien sûr il y a nos rêves communs dans lesquels je m'abandonne, bien sûr il y a mes proches que je vois trop peu souvent, bien sûr il y a la Place Candole, bien sûr il y a la Comédie, bien sûr il y a les colis surprise de Mu, bien sûr il y a la musique, bien sûr il y a la photo, bien sûr il y a l'écriture, la lecture, bien sûr il y a tout le reste...

Mais le dimanche soir, tout ça me paraît peser bien peu dans la balance...



(pic. >> Place Candole, Montpellier - nov. 2006 - by Mademoiselle Yum)




© Mademoiselle Yum

Publicité
Commentaires
M
Bin moi ça me rassure pas vraiment qu'on soit nombreux dans ce cas, je trouve ça triste, ça veut dire qu'il y a un vrai problème d'orientation dès le collège alors, si on est autant à travailler pour (sur)vivre, et à ne pas s'épanouir un minimum dans ce qu'on fait 7 ou 8 heures par jour... Ca craint. <br /> Les personnes qui gagnent leur vie en faisant quelque chose qui les motive, qui leur ressemble, ont une chance inimaginable. <br /> Enfin...<br /> Poutoux.
M
Je crois que le dimanche soir va nous faire chier encore quelques années malheureusement... C'est marrant cette sensation merdique, cette boule qui se forme dans le ventre... J'en ai déjà parlé autour de moi et pas mal de personnes sont dans le même cas que nous... C'est con mais ça me rassure de savoir qu'on est des milliers à choper les boules le dimanche vers 18 heures, qu'il y a donc des milliers de personnes qui n'aiment pas leurs boulots... La solidarité non de dieu... Bref on va pas revenir la dessus sinon je vais moi-même me sapper le moral. Je me suis dis que cette semaine j'allais tenter d'être motivée durant 5 jours, avoir un peu la même attitute que tu as quand tu es stagiaire dans une boite et que tu te tiens à carreaux pour "faire bien" auprès des autres. Bon c'est pas gagné mais je vais tenter, cette semaine je dois positiver car ça devient vital.<br /> <br /> Je t'embrasse et je suis là moi pour qu'on se serre les coudes. Pense un peu à ton amie Mymy qui est aussi malheureuse que toi professionnellement parlant et ça ira mieux :)
Publicité